Rando vélo, la Bernerie-en-retz et apéro

Dans mon hôtel, étant donné que je suis la seule cliente, le proprio est plutôt sympa avec moi. Et en plus, il a un plan, il veut absolument que je devienne pote avec sa fille de seize ans pour qu'elle puisse pratiquer son anglais. Sa fille m'impressionne dans la mesure où elle est taillée comme une basketteuse, 1m85 au moins, ce qui déjà serait bizarre en Europe, mais ce qui, ici, frôle le paranormal. De son côté, il a une taille plutôt classique pour un Vietnamien : 1m65. Je m'interroge alors sincèrement sur les moeurs de la mère et me demande si "un facteur" de la NBA n'est pas passé par là... Je n'ai même pas l'occasion de décevoir le probable cornard en lui disant que mon niveau d'anglais n'est pas terrible, car sa fille chérie est aussi aimable qu'une porte de frigidaire (oui, parfaitement, une porte de prison, c'était trop "chaleureux") ce qui limitera franchement nos conversations. Quoiqu'il en soit, il lui demande de m'apprendre à faire de la moto. Ok ça partait d'une bonne intention car c'est vrai que Phu Quoc, c'est grand et sans moyen de transport, c'est plutôt galère... Cependant, la moue d'une ado blasée est internationale. Je peux lire dans ses yeux "tu me soules graaaaaaave papa !" mais ce n'est rien à côté du regard consterné que la géante vient de me jeter. "T'as 27 ans et tu sais pas faire de moto, non mais allo quoi ?! Quand j'vais raconter ça aux copines...". Le seul qui n'a pas l'air de se rendre compte de la situation, c'est son innocent papounet si fier de sa petite merveille. Je n'ai aucune envie d'apprendre quoique ce soit avec elle (elle me fait peur !) mais le paternel me pousse dans ses bras. Je la suis à contre-coeur dans le jardin jusqu'à une moto qui me parait immense. Elle me bredouille 3 mots dans son anglais incertain. Traduction "débrouille-toi". Bon, ben j'ai plus vraiment le choix. J'essaye de me souvenir de ce que j'ai cru comprendre au sujet de la façon de redémarrer/arrêter l'engin, activer les clignotants et tous les autres trucs cheloux qu'elle m'a désignés. J'ai tout oublié. Su-per.. Je m'assois à califourchon et aussitôt je me sens déstabilisée par le poids de la bestiole. Je mets en route le moteur, ça avance. Ok. J'suis pas du tout rassurée et pour sortir du jardin, c'est soit négocier un virage, soit s'emplafonner dans le mur. Euh, bref, je sens que ça ne va pas le faire. Je lui adresse mon sourire le plus hypocrite et lui dis "ouais ben en fait j'ai changé d'avis, le vélo c'est bien mieux pour les cuisses, à + et merciii !". Je me sauve rapidement. Débarassée du géant vert, youhou !

Je me retrouve donc à parcourir l'île à vélo. J'observe les bateaux qui reviennent du large.

Ensuite, j'arrive sur une petite plage.

D'étranges effluves me parviennent. Avant de venir, j'avais entendu dire que Phu Quoc était connue pour son célèbre nuoc mâm (une sauce à base de poisson fermenté). J'avance à l'odorat et en effet, je vois des milliers de petits anchois en train de sécher au soleil.

Je poursuis ma route, je veux atteindre les fameuses plages de sable blanc qu font la réputation de l'île. Il y a une vingtaine de kilomètres, je peux le faire. Malheureusement, contrairement à ce que je pensais au début, il n'y a pas de sentier côtier. Il faut donc emprunter la grosse route déserte qui traverse l'île de long en large. Chemin en montée et sous le soleil. Je regrette presque le canal de Nantes à Brest !

Enfin, je quitte enfin la route et je me retrouve sur la piste. Cela fait maintenant plusieurs heures que je pédale et je n'ai pas encore vu le moindre grain de sable, la moindre goutte d'océan. Je commence à en avoir assez mais je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien. Je persiste. Le problème, c'est qu'il est déjà tard et que je dois anticiper mon chemin de retour. Pour couronner le tout, je viens de finir ma bouteille d'eau. La situation devient critique.

Enfin, j'arrive à la plage, mais... quelle déception ! C'est une plage "normale", tout ce qu'il y a de plus classique. Où est le sable blanc ? Où sont les eaux turquoises ? Bref, où est le paysage de carte postale que je m'attendais à trouver ? Pour résumer, j'ai fait tous ces kilomètres à vélo pour me retrouver à... "la Bernerie en retz" ! La situation est assez comique, ça me donne envie de rire ! L'endroit est désert (tu m'étonnes...) à part quelques locaux en train de pêcher.

Bon, première étape, il faut trouver à boire. Je me dirige vers une petite échoppe (NB : impossible de mourir de faim ou de soif en Asie, à moins de VRAIMENT le vouloir !). Je m'assois pour demander un coca. Après quelques minutes, le patron engage la conversation et m'invite alors à partager leur repas. Euh... Il est 4 heures de l'aprem mais pourquoi pas ! Je me vois mal refuser. Au menu : poisson  - qu'ils viennent juste de pêcher - grillé au barbecue, avec un bol de riz et du nuoc mâm bien sûr ! Pendant que ça cuit, je vais me baigner (à la mode locale : chemise et short de bain). Après autant de vélo, ça fait du bien !

Le repas est très amusant car aucun des trois ne parle vraiment anglais, mais à l'aide de gestes et de dessins, on arrive à établir un semblant de conversation. On me propose l'alcool local dont apparemment l'un a franchement abusé. Le pauvre ne tient plus debout et a du mal à contrôler ses mouvements. On rigole bien. ce repas improvisé a sauvé mon après-midi, je ne regrette pas tous ces kilomètres. Malheureusement le soleil décline. Je leur fais comprendre à l'aide de gestes qu'il faut que j'y aille, afin de ne pas rentrer dans l'obscurité. Le patron et ses potes me disent de rester dormir là. La seule fille avec eux trois, je ne le sens pas. Je décline poliment l'invitation. Ils proposent de me ramener en mettant mon vélo sur le scooter ! Je souris et les remercie pour ce bon aprem passé en leur compagnie. Le patron qui pourtant a une fille d'environ mon âge, me serre et m'embrasse d'une façon bien étrange lorsque je pars... J'ai l'impression qu'il veut sentir mon odeur. Je suis contente d'avoir pris la décision de partir !

Plus de temps à perdre, il doit rester moins d'une heure et demie avant le coucher du soleil... Tic toc, tic toc, c'est la course contre la montre. Je pédale à toute allure. La grosse route ne m'inquiète pas, c'est plus la partie "piste" qui me préoccupe. Le jour tombe petit à petit. Je me prépare psychologiquement à rentrer dans le noir pour les derniers kilomètres. Lorsque j'arrive au niveau de la piste que je dois emprunter, miracle, celle-ci est éclairée ! Gros, gros coup de chance. C'est donc facilement que je peux rejoindre mon hôtel.

Le soir, je vais manger au night market qui propose presque exclusivement de la "sea food" : ormeaux, calamars, crevettes, homard, poulpes (ça me rappelle quelqu'un !)... Il y en a pour tous les goûts, à des prix incomparables avec l'Europe. Le spectacle pour les yeux est superbe et c'est un régal pour le palais !